Le Caucase a été une zone d'influence russe pendant des siècles, avec des périodes d'annexion et de conflit. Des pays comme l'Arménie et l'Azerbaïdjan entretiennent des relations étroites avec la Russie, que ce soit à travers des organisations comme l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) ou à travers des relations bilatérales.
Pendant la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, Moscou a déboursé environ 30 milliards de dollars pour aider son allié et la région séparatiste du Haut-Karabagh. Le conflit terminé, le robinet s'est fermé.
En Arménie, la Russie est accusée d’avoir fait le jeu de Bakou et trahi Erevan, son alliée dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective. Les relations ne sont pas plus simples avec le camp opposé. Vladimir Poutine a indiqué à Ilham Aliyev qu’il désapprouvait la tenue à Bakou, le 10 décembre, d’un défilé victorieux des troupes azerbaïdjanaises et de leurs alliées turques – avec Recep Tayyip Erdoğan en invité d’honneur.
Paradoxalement, Moscou semble moins à l’aise aujourd’hui qu’au cours des trois décennies pendant lesquelles elle s’est efforcée d’entretenir le statu quo en fournissant des armes aux belligérants. En matière de développement économique, Ankara se révèle beaucoup plus active qu’elle.
L’exemple géorgien est à ce propos édifiant. En 2008, le Kremlin s’est raidi après l’élection du pro-occidental Mikheil Saakachvili, coupant les ponts avec son voisin. Or la présence américaine à Tbilissi ne dépassait pas le cadre politique, et ce sont finalement les entrepreneurs turcs qui ont investi le marché géorgien, dédaigné par leurs homologues d’outre-Atlantique, et déserté par les Russes. Aujourd’hui, dans les magasins d’Adjarie, région géorgienne frontalière de la Turquie, entre 70 et 75 % des produits sont de fabrication turque. Les Turcs contrôlent même une partie non négligeable de l’économie du pays.
Loin de se contenter de partenariats bilatéraux, Ankara agit aussi en puissance régionale. En 2006, elle a inauguré l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, puis le gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum l’année suivante. En 2015, Recep Tayyip Erdoğan a invité à Kars ses homologues géorgien et azerbaïdjanais, Guiorgui Margvelachvili et Ilham Aliyev, au lancement du chantier de gazoduc transanatolien (TANAP). Inauguré en 2018, celui-ci a fait de la Turquie un acteur important de l’approvisionnement énergétique de l’Europe tout en renforçant sa position dans le Caucase du Sud.
Aujourd’hui, Ankara est perçue dans la région comme un facteur de développement économique, tandis que Moscou demeure une puissance axée sur la sécurité (via les ventes d’armes) et les dons financiers. Or ni les roubles ni les canons russes n’ont permis à l’Arménie de s’en sortir. Pire, au sortir de la guerre dans le Haut-Karabagh, c’est la Turquie qui apparaît comme l’allié militaire le plus efficace.