La Chine est devenue l'un des principaux partenaires commerciaux de la Russie, notamment dans le domaine de l'énergie. Les projets tels que le gazoduc Power of Siberia témoignent de la profondeur de cette coopération. Face à une pression occidentale croissante, la Russie et la Chine ont trouvé une convergence stratégique, renforçant leurs liens militaires et diplomatiques pour répondre aux défis communs.
Au lendemain de la chute de l’URSS, en décembre 1991, Egor Gaïdar, le « père » des grandes réformes économiques russes, publie dans les Izvestia un article affirmant que le pays doit devenir un « avant-poste » de l’Occident à l’Est. La tribune fait grand bruit et scinde les élites en deux. Une partie de la classe dirigeante appelle effectivement à se rapprocher des États occidentaux afin que leur économie de pointe, disent-ils, entraîne la Russie dans son sillage sur la voie de la modernisation. Pour eux, la Chine incarne tout l’archaïsme et l’autoritarisme dont le pays doit précisément se débarrasser. À l’inverse, l’autre moitié de l’establishment russe appelle à intensifier les relations avec cette puissance voisine qui a, elle aussi, engagé des réformes libérales de fond. Alors qu’ils gagnent du terrain en politique intérieure à partir de la fin des années 1990, les partisans du rapprochement avec la Chine avancent bientôt un autre argument, selon lequel les deux pays sont en outre unis par des intérêts stratégiques communs, et en particulier le refus de l’élargissement de l’OTAN vers l’Est.
La Maison-Blanche n’a rien à proposer au Kremlin qui puisse lui faire renoncer aux avantages d’un partenariat stratégique sino-russe. Du reste, ni l’administration présidentielle américaine ni le Département d’État ne sont aujourd’hui disposés à rechercher les bonnes grâces de Vladimir Poutine, comme le secrétaire d’État Henry Kissinger l’avait fait en son temps à l’égard de Mao Zedong.
Les intérêts russes et chinois coïncident partiellement mais divergent parfois. Ainsi les entreprises et banques chinoises respectent-elles les sanctions américaines contre la Russie. Pékin ne soutient pas Moscou sur la question ukrainienne et ne reconnaît pas le « rattachement » de la Crimée. Moscou, à son tour, est loin de partager le point de vue de Pékin sur les questions territoriales en mer de Chine et sur ses désaccords avec Delhi et Hanoï.
La Chine investit largement en Russie et achète ses hydrocarbures. L’industrie russe, dans les régions d’Extrême-Orient, achète la moitié de ses équipements au voisin chinois. Les deux pays coopèrent sur le plan militaire.
Au-delà de la présence croissante des Chinois dans le tourisme et l’industrie de l’Extrême-Orient russe, les habitants des régions les plus orientales de Russie ont une peur réelle d’être envahis par leurs voisins. Certains s’offusquent ainsi des affiches publicitaires en chinois qui fleurissent dans les villes du littoral, appelant les ressortissants de la République populaire à venir s’installer et à investir dans la région. L’Extrême-Orient russe et ses richesses naturelles affichent une densité de population d’1,2 habitant par kilomètre carré (hab/km²), loin de celle des deux régions chinoises les plus proches, la Mongolie intérieure (21 hab/km²) et le Heilongjiang (83 hab./km²).